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A Compesières, une crèche branchée

Suore cristina Match.jpgLe pape François n'est sans doute pas pour rien dans la crèche 2014 que des paroissiens ont installée depuis quelques jours dans l'église de Compesières. La bonne nouvelle commence dans une crèche, une mangeoire, "parce qu'il n'y avait pas de place pour Joseph et Marie dans la salle", écrira 80 ans plus tard l'évangéliste Luc.

Et pourquoi n'y avait-il pas de place? Il ne le dit pas. Joseph et Marie ne sont pas des étrangers. Ils ne sont pas des réfugiés. Ils ne sont pas pauvres non plus. Joseph est charpentier, un noble métier, bien plus coté dans la société de l'époque que celui de berger ou de percepteur d'impôt pour la puissance occupante Rome.

C'est Rome justement qui est la cause de la présence de Joseph et de Marie à Bethléem ce jour-là. Quel jour au fait? Dormir dehors en plein été, ce n'est pas bien grave dans cette région, c'est même plus agréable. Bien plus tard, la tradition a retenu le 25 décembre, où il peut geler, histoire de donner un sens chrétien aux fêtes du solstice organisées depuis la nuit des temps. Et de faire entrer dans nos têtes dures, que Jésus est un peu comme la graine de moutarde de la parabole: insignifiante mais foisonnante. Comme le royaume qu'il promet sans doute.

Joseph et Marie sont donc montés vers leur village natal pour respecter l'édit de l'empereur Auguste. Et pourquoi Auguste a-t-il voulu compter les juifs? Sans doute pour mieux contrôler cette population rétive, séparer les bons des révoltés.

Joseph et Marie n'étaient pas des résistants à l'occupation romaine. Leur fils non plus d'ailleurs. Sans doute que Joseph avait des Romains parmi ses clients. Et peut-être bien que Joseph a voulu terminer un travail avant de prendre le chemin du sud. Pas d'Internet à l'époque pour réserver un hôtel, ni d'EasyJet, c'est à pied et à dos d’âne qu'ils ont fait le trajet. Avec d'autres. Et quand ils sont arrivés, "Il n'y avait plus de place pour eux dans la salle..."

Chacun, deux mille ans plus tard, peut donner libre court à son imagination. C'est l'art des évangélistes que d'avoir laissé de grands trous dans cette histoire. On n'a pas de photos ni de films de l'événement. Marie était-elle belle, grande, blonde ou noire? Vierge?

Mais revenons à la crèche de Compesières, cuvée 2014.

En 2013, la crèche fut faite en deux temps trois mouvements. Un tapis, trois statues de grès, un toit en bois, quelques moutons, le minimum vital. Cette pauvreté cachait un débat. Le soussigné avait proposé de dresser un mur à l'entrée de l'église et d'y accrocher deux panneaux fléchés. L'un aurait indiqué à droite: "Bethléem, prochain check-point, 5 km". Et un autre à gauche: "Abri des Vollandes, ouvert de 19h à 7h: 5 km". La proposition suscita un débat et un report à l'année suivante.

En septembre dernier, un courriel rappela donc à la petite troupe l'affaire du mur. Embarras du soussigné. En six mois, la situation géopolitique avait bien changé. Le mur israélien est  toujours là, scandaleux certes, mais effectivement protecteur. Et puis, des murs, il s'en dresse un peu partout entre les Etats. Et même chez nous, depuis un certain 9 février... La troupe se réunit donc un soir pour trouver une issue. Elle convia à son agape un jésuite. Qui écouta sagement et dit: vous pourriez réfléchir à cette parole, "Il n'ont pas trouvé de place dans la salle commune". Protestations, la famille de Jésus n'est pas une bande de Roms qui couchent sous les points... Réflexions... La question de la migration forcée s'impose tout de même. Quelles qu'en soient les raisons, il n'est jamais facile de devoir quitter sa maison pour un ailleurs forcément peu sûr voire menaçant. Dégringolade dans l'échelle sociale. Comme ce gentil fou de Dieu...

S'ajoute au débat une autre question. C'est bien beau de faire une crèche originale, cependant la bonne nouvelle s'adresse à tous, non? Pas seulement à ceux qui pénétreront dans notre église? C'est ainsi qu'a surgie l'idée encore molle d'ajouter à une crèche dénudée un ordiphone (un smartphone). Pas un jeune ou presque aujourd'hui sans un iPhone ou un des concurrents de la pomme qui tournent sous Android! Peut-être seront-ils sensibles au message des images que Youtube et le Net et ce blog colporteront?

Restait à réaliser l'opération. Des images, le web n'en manque pas. Ce serait même vite le trop plein. La lecture du Paris Match nous mit sur la piste de Suore Cristina et son parcours gagnant à l'émission The Voice of Italy. Ce sera notre fond musical, auquel on ajoutera un Salve Regina, chanté en notre église lors de la messe d'ouverture de la dernière session des Musicales de Compesières. Et les images s'agencèrent presque naturellement. On chercha des camps de réfugiés. On trouva sans peine des reportages vidéos sur les dernières pérégrinations de François. On ajouta même l'affaire du seau d'eau en faveur de la maladie de Charcot, rituel moderne et cathodique, auquel même notre évêque se prêta. Pour terminer avec une pointe d'éthique, grâce à un concours de clips organisé par Helvetas.

Et voilà! Ainsi est née la crèche de Compesières 2014. A vos plumes!

JF

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